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Proposition de loi du groupe CRCE, enregistrée à la présidence du Sénat le 3 février 2021, intervention de Michelle Gréaume, sénatrice PCF du Nord.

Par le Groupe CRCE, Sénat

Selon l’Observatoire national des violences faites aux fem­mes, en 2019, 213 000 femmes ont été victimes de violences physiques et sexuelles commises par leur partenaire ou ex-partenaire, 146 femmes ont été tués par leur partenaire ou ex-partenaire, sept victimes sur dix déclarent avoir subi ces faits de manière répétée, et 80 % d’entre elles déclarent avoir également été soumises à des atteintes psychologiques ou des agressions verbales. Pendant le premier confinement, la plate-forme de signalement en ligne des violences sexuelles et sexistes a enregistré une hausse de 40 % des appels de victimes, cette augmentation était de 60 % lors du deuxième confinement.
Dans certaines situations, les enfants constituent des covictimes, soit parce qu’ils sont témoins des actes de violence, voire du meurtre, soit parce que l’agresseur leur porte atteinte également. En 2018, vingt et un décès d’enfants dans ce contexte sont à déplorer.

Permettre aux femmes de quitter le domicile
Pour éviter une progression de ces situations intolérables, il semble indispensable de mettre en place un dispositif permettant aux femmes de quitter le domicile plus simplement, et avec leurs enfants pour ne pas les exposer à des risques de violence décuplés. Ce texte n’a pas vocation à se substituer à un éloignement du conjoint violent, conformément à la loi du 12 décembre 2005, mais à parer aux situations où celui-ci n’est pas possible compte tenu de l’urgence.

« Pendant le premier confinement, la plate-forme de signalement en ligne des violences sexuelles et sexistes a enregistré une hausse de 40 % des appels de victimes, cette augmentation était de 60 % lors du deuxième confinement. »

L’un des principaux freins au départ du domicile, outre l’emprise exercée par le conjoint, est le manque de ressources financières. En effet, il est fréquent que ces femmes n’aient pas accès au compte bancaire du foyer, ou qu’elles n’aient pas de source de revenus personnelle. Dès lors, il leur est impossible, en cas de départ du domicile conjugal, d’assurer pour elle et pour leurs enfants les achats de première nécessité : produits de puériculture, produits hygiéniques et menstruels, denrées alimentaires…
La mise en place d’une aide financière d’urgence aux victimes de violences conjugales permettrait d’encourager cette démarche de départ. Versée en urgence aux femmes fuyant le domicile en cas de risque pour leur sécurité ou celle de leurs enfants, elle serait accessible à toute personne de nationalité française ou étrangère en situation régulière, de plus de 25 ans ou moins de 25 ans avec enfant à charge, comme cela existe déjà dans les critères de l’attribution du RSA.
Elle serait attribuée sous forme d’avance sur droits supposés du RSA sous certaines conditions et versée soit directement à la personne ou à la structure d’hébergement d’urgence avec une régularisation à la suite d’un délai de trois mois.
Le versement à titre personnel de l’avance est conditionné à l’ouverture d’un compte bancaire au seul nom de la femme quittant le domicile conjugal. Afin de permettre la création rapide du compte bancaire, nonobstant l’historique bancaire de la personne.
Le fait de passer par une avance sur droits supposés du RSA correspond totalement à l’objectif de cette proposition de loi, qui est une aide immédiate à l’intégration économique et sociale de ces femmes ou ces familles victimes de violences, dont la vie est à reconstruire.
Enfin, afin d’apporter à la femme victime et à ses enfants le soutien nécessaire à pérenniser le départ du domicile conjugal, le versement de l’aide serait complété par un dispositif d’aide psychologique et sociale.

« Cette aide serait attribuée sous forme d’avance sur droits supposés du RSA sous certaines conditions et versée soit directement à la personne ou à la structure d’hébergement d’urgence avec une régularisation à la suite d’un délai de trois mois »

D’après l’estimation basse de l’étude menée par PSYTEL parue en 2014 dans le cadre du quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, les répercussions économiques des violences au sein du couple et leur incidence sur les enfants en France sont estimées à 3,6 milliards d’euros.
Le coût des dépenses qui pourraient être engendrées par ce texte, ou en donnant aux associations le milliard d’euros nécessaire à une lutte efficace contre les violences faites aux femmes et aux enfants, resterait quoi qu’il en soit inférieur à cette estimation.
Pour mettre fin aux violences conjugales et familiales, il est important d’investir massivement dans la prévention et la protection des femmes et des enfants victimes de violences, afin d’éviter qu’elles ne se reproduisent de génération en génération.
Tel est le sens de notre proposition.


La proposition

Article unique

I. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1- La sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du titre VI du livre II est complétée par un article L. 262-23 ainsi rédigé :
« Art. L. 262-23. – Le président ou la présidente du conseil départemental accorde le versement d’avances sur droits supposés à la personne victime de violences conjugales, qu’elle soit mariée, liée par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement, prise en charge par une structure d’hébergement, qui soit se trouve dans une situation d’urgence attestée par une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales en application du titre XIV du livre I du code civil, soit est victime de violences au sein du couple attestées par le récépissé du dépôt d’une plainte par la victime.
« Le versement intervient dans un délai de quarante-huit heures à compter de la demande.
« Le revenu de solidarité active est attribué pour une durée de trois mois.
« Au terme des trois mois, les avances versées indument peuvent être récupérées s’il apparaît que les ressources du bénéficiaire excédaient le montant forfaitaire prévu au premier alinéa de l’article L. 262-2 du présent code.
« Le bénéficiaire ouvre un compte bancaire dans les quarante-huit heures afin d’y verser les avances. À défaut, le versement peut être fait dans un premier temps à la structure d’hébergement, à charge pour elle de le restituer au bénéficiaire.
« En cas de retour à domicile, l’allocation peut être récupérée à compter du premier jour du mois civil au cours duquel s’est produit l’événement modifiant la situation de l’intéressé.
« La récupération s’applique dans les conditions prévues à la section 5 du présent chapitre. » ;
2- Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 262-27, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Un accompagnement psychologique et social est organisé pour les personnes mentionnées à l’article L. 262-23. »
II. – Les conséquences financières résultant pour les collectivités territoriales du présent article sont compensées, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du II du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Cause commune n° 22 • mars/avril 2021