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Question au gouvernement d’Alain Bruneel, député PCF du Nord, le 2 novembre 2021.

Alain Bruneel : Monsieur le ministre des Solidarités et de la Santé, le pronostic vital de l’hôpital est engagé. Burn out, épuisement : les soignants ne sont plus en mesure d’assurer leurs missions dans des conditions optimales, et la sécurité des soins est menacée.
Depuis des années notre système de santé se meurt : il se vide progressivement de sa substance sous l’effet des coupes budgétaires drastiques. Le président du Conseil scientifique nous informait la semaine dernière qu’environ 20 % des lits seraient fermés dans les centres hospitaliers universitaires (CHU) et des centres hospitaliers régionaux (CHR) de France à cause du manque de personnel.
Et quelle a été la réaction du gouvernement ? Lancer « une enquête auprès de l’ensemble des établissements de santé pour objectiver la situation ». Vous aviez pourtant refusé, il y a trois ans, notre proposition de loi pour un moratoire sur les fermetures de lits, alors qu’il aurait permis de faire le bilan des besoins à l’hôpital, territoire par territoire, et surtout d’éviter que plus de cinq mille sept cents lits d’hospitalisation soient fermés en 2020, en pleine crise sanitaire.
Aujourd’hui, face à une situation si catastrophique, vous devez voir la réalité en face : les urgences encombrées, les services de pédiatrie dans une situation indescriptible, même des enfants en situation d’urgence ne peuvent plus être pris en charge ! Cette situation est choquante et dramatique ! Selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), le nombre de médecins généralistes va stagner jusqu’en 2030, alors que les besoins de soins de la population française vieillissante vont augmenter.

« Je souhaite donc que le gouvernement inscrive à l’ordre du jour un projet de loi de programmation pour l’hôpital. On pourra alors examiner tous ensemble et le plus rapidement possible la situation. »

L’économie a eu, elle, son plan de relance et les grandes entreprises ont été gavées d’argent public. Il faut un traitement de choc en réservant une enveloppe financière de rattrapage et d’avenir pour l’hôpital afin de stopper au plus vite l’hémorragie. Il est urgent de mettre à l’ordre du jour une loi de programmation pour l’hôpital !
Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé : Monsieur le député, je vais le répéter peut-être pour la cinquantième fois : ce n’est pas parce qu’un chiffre erroné a été inscrit trop rapidement dans l’annexe d’un rapport qu’il en devient une vérité, même si cette vérité pourrait, je le dis avec toute l’estime que j’ai pour vous et tout le respect pour votre fonction de parlementaire, aller dans le sens d’un certain discours sur l’hôpital. Il n’y a pas de 20 % de lits fermés.
Vous devriez vous fier à des études sérieuses, celles des fédérations, des conférences hospitalières, des présidents des CME (commissions médicales d’établissement) et des directeurs d’hôpitaux que vous accompagnez au quotidien dans votre circonscription : eux parlent de 1 % à 12 % de lits supprimés, soit un point de plus qu’il y a deux ans, dans un contexte post-covid où des soignants sont fatigués, après avoir pour certains renoncé à prendre des vacances.
Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas des problèmes sérieux, et nous les prenons à bras-le-corps, territoire par territoire ; j’aurais même peine à faire la liste de tous les parlementaires de tous bords politiques, y compris du groupe communiste, qui me demandent d’intervenir. Je contacte alors les hôpitaux pour identifier des solutions quand un service d’urgence se trouve à manquer d’urgentistes ou quand une unité de soins se trouve à manquer d’infirmiers.

« Vous aviez refusé, il y a trois ans, notre proposition de loi pour un moratoire sur les fermetures de lits alors qu’il aurait permis de faire le bilan des besoins à l’hôpital, territoire par territoire, et surtout d’éviter que plus de 5 700 lits d’hospitalisation soient fermés en 2020, en pleine crise sanitaire. »

Vous savez pertinemment, Monsieur le député, qu’aujourd’hui ce n’est pas un problème de moyens financiers : le fait est qu’il y a des postes de soignants et de médecins restés aujourd’hui vacants, j’en ai abondamment parlé – notamment s’agissant des médecins urgentistes, une spécialité encore jeune et qui se caractérise par un turn over important dû à la fatigue. On manque donc aujourd’hui d’urgentistes comme on a pu manquer d’anesthésistes, et c’est pourquoi nous identifions partout des solutions. De même, un poste d’infirmière devenu vacant dans un service déjà sous pression depuis la période covid peut faire basculer vers une fermeture temporaire.
S’il vous plaît, tenons compte de chaque situation territoriale et identifions ensemble intelligemment, pour l’intérêt général, l’intérêt de nos hôpitaux et celui des patients, les solutions partout où elles existent. C’est ce que je fais à votre contact comme au contact de votre président de groupe et de l’ensemble de la représentation nationale. Tenons aussi à l’hôpital un autre discours : disons que la donne a changé ! Nous n’avons pas besoin de moratoire sur la fermeture de lits : le gouvernement s’est engagé à ouvrir des milliers de lits supplémentaires, les budgets sont sur la table, tout est financé et nous reconstruisons, hôpital par hôpital, Ehpad par Ehpad, ce qui avait traîné faute de financements par le passé !

Alain Bruneel : J’ai bien entendu ce que vous dites, Monsieur le ministre, mais vous reconnaissez qu’il y a tout de même un manque de personnel, y compris de médecins, un problème qui n’est pas près d’être réglé. C’est la DREES notamment qui indique que le nombre de médecins généralistes va stagner jusqu’en 2030, pas moi ni le président du Conseil scientifique. Je souhaite donc que le gouvernement inscrive à l’ordre du jour un projet de loi de programmation pour l’hôpital. On pourra alors examiner tous ensemble et le plus rapidement possible la situation.

Cause commune • novembre/décembre 2021