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La crise sanitaire que nous affrontons depuis plus de six mois a cruellement mis en lumière la fragilité de notre hôpital et la dépendance de notre pays en matière de santé. Plus largement, l’affaiblissement de l’État et les ravages provoqués par des décennies d’austérité et de politiques libérales sont désormais des réalités visibles et indubitables. Pourtant, face à l’évidence de cet échec, le gouvernement refuse de reculer. Nous députés communistes avons donc formulé 118 propositions pour une transformation économique, sociale et écologique devenue urgente et indispensable.

Par le Groupe GDR, Assemblée nationale

Depuis la survenue de la crise sanitaire, notre quotidien a été bouleversé : notre manière de travailler, de se déplacer, de nouer des liens sociaux. Cette crise inédite, une des plus graves que le monde et notre pays aient connue depuis 1945, met autant à mal notre cohésion sociale que notre économie.
Si nous ne connaissons pas encore l’ampleur de cette crise comme ses effets définitifs en matière sanitaire, nous mesurons progressivement et concrètement les conséquences de ce tsunami économique et social sans précédent, qui dépasse le choc de 2008.
En 2020, notre pays va connaître une perte de richesses de 250 milliards d’euros en raison du gel de l’économie suite au confinement. L’INSEE a comptabilisé 715 000 destructions d’emplois au cours du premier semestre 2020 et ce chiffre devrait encore augmenter dans les prochains mois. Certains secteurs économiques en subissent particulièrement les effets, comme le tourisme, l’industrie, la culture, l’hôtellerie-restauration et de nombreuses faillites d’entreprises sont à prévoir.
Surtout, cette crise se révèle comme un miroir grossissant des inégalités déjà présentes au sein de notre société, en matière de santé, de disparité de revenus ou d’accès à l’éducation. Elle intervient dans un pays fracturé et abîmé par les orientations politiques néolibérales mises en œuvre par Emmanuel Macron et ses prédécesseurs : ordonnances travail, suppression de l’ISF, crise des gilets jaunes, compression des dépenses hospitalières, réforme des retraites. Loin de réconcilier le pays avec lui-même, les réformes successives ont renforcé les inégalités de niveau de vie et accru la pauvreté, comme vient de le montrer l’Insee dans une note du 9 septembre 2020.

« L’épreuve que nous traversons invite à remettre en question nos modes de vie, nos modes de production et de consommation. Elle exige de penser de nouvelles orientations politiques qui répondent aux défis économiques et sociaux comme aux enjeux environnementaux. »

L’épreuve que nous traversons impose une réponse politique sans précédent et de grande ampleur. Elle invite à remettre en question nos modes de vie, nos modes de production et de consommation. Elle exige de penser de nouvelles orientations politiques qui répondent aux défis économiques et sociaux comme aux enjeux environnementaux.

Un gouvernement au service du capital
Le plan de relance du gouvernement présenté le 3 septembre dernier, n’est pas à la hauteur des enjeux du moment. À l’opposé de la « réinvention » promise par le président de la République, il s’agit d’un plan de continuité sous-calibré qui poursuit les obsessions néolibérales et la politique de l’offre engagée depuis le début du quinquennat. Ce faisant, le chef de l’État, en harmonie avec les instances exécutives européennes et sous couvert d’un discours de rupture, réalise le tour de force de continuer à dérouler à la lettre l’agenda qu’il s’était fixé.
Partant d’un mauvais diagnostic et fidèle à son dogmatisme, le gouvernement se concentre sur l’offre et le renforcement de la compétitivité des entreprises, quand la situation économique exige de soutenir fortement la demande. Telle est cette logique qui prévaut avec la baisse de 10 milliards d’euros des impôts de production, une mesure réclamée de longue date par le patronat.
Loin d’une planification organisée, ce plan du gouvernement se résume à un saupoudrage d’aides publiques aux entreprises qui ne font l’objet d’aucune contrepartie en matière de maintien de l’emploi ou d’engagements écologiques. Ce plan fait le pari naïf du ruissellement en laissant penser que les subventions publiques au secteur privé entraîneront mécaniquement des créations d’emplois, chiffrées par le gouvernement à 160 000 postes. Une ambition qui paraît ridicule au regard des 100 milliards d’euros affichés et des dégâts sociaux constatés.

« Les 118 propositions fixent de nouvelles orientations ambitieuses qui visent à articuler la transformation écologique avec la justice sociale, à réaffirmer le rôle interventionniste de l’État dans l’économie dans une logique de planification en lien avec l’échelon local, à placer la justice fiscale au cœur de la reconstruction et à inventer de nouvelles solidarités. »

Cette politique est illusoire car elle n’améliore ni l’activité économique, ni l’emploi, mais vise simplement à restaurer les marges des grandes entreprises, au détriment des finances publiques. L’évaluation du CICE vient nous le rappeler : seulement 100 000 emplois ont été créés en 2013 et 2017 malgré un investissement public de 90 milliards d’euros. L’État planificateur s’efface devant l’État spectateur qui ne prétend pas modifier les règles du jeu du système productif. Un État qui se met au service des intérêts du marché, empêchant ainsi toute transformation sociale et écologique de l’économie.
Inefficace d’un point de vue économique et écologique, nous pensons également que ce plan est injuste socialement et ne permet pas de répondre à la demande de protection de nos concitoyens. Les mesures de solidarité ne représentent que 0,8 % des 100 milliards d’euros engagés à l’heure où une fraction importante de la population risque de tomber dans le chômage et la pauvreté. Avec ce plan de relance, le gouvernement a définitivement choisi son camp, celui du capital.

L’urgence d’un plan de transformation économique, sociale et écologique
Comme le soulevait avec justesse Antonio Gramsci, « la crise est le moment où l’ancien ordre du monde s’estompe et où le nouveau doit s’imposer en dépit de toute résistance et de toutes les contradictions. Cette phase de transition est justement marquée par de nombreuses erreurs et de nombreux tourments ».
Au regard de la gravité du moment, nous, parlementaires communistes, proposons un plan de transformation économique, sociale et écologique qui refuse de relancer le monde d’avant mais contient des solutions de court terme pour accompagner les « jours avec » ainsi que des mesures de moyen et long terme pour construire les « jours d’après ».

« Loin d’une planification organisée, le plan du gouvernement se résume à un saupoudrage d’aides publiques aux entreprises qui ne font l’objet d’aucune contrepartie en matière de maintien de l’emploi ou d’engagements écologiques. »

Ce document fixe de nouvelles orientations ambitieuses qui visent à articuler la transformation écologique avec la justice sociale, à réaffirmer le rôle interventionniste de l’État dans l’économie dans une logique de planification en lien avec l’échelon local, à placer la justice fiscale au cœur de la reconstruction et à inventer de nouvelles solidarités pour répondre à l’urgence sanitaire et sociale. Avec ce plan, nous assumons une politique de soutien à la demande au profit des ménages, conjuguée à une politique de l’offre stratégique où la puissance publique joue un rôle de premier rang. Ce faisant, nous affirmons un objectif d’extension de la sphère publique qui permet de répondre aux besoins humains et de garantir notre souveraineté.
Nous proposons un plan de plus de 250 milliards d’euros sur trois ans, soit près de 10 % du PIB, qui inclut un engagement nouveau de 85 milliards de dépenses courantes (renforcement du système de santé, déploiement des services publics, mesures de solidarité), auquel s’ajoutent 17 milliards de mesures temporaires sectorielles, ainsi qu’une enveloppe annuelle de 50 milliards d’euros dédiée à l’investissement dans la transition écologique (transports, logement, agriculture…). Les dépenses courantes et les mesures de relance sont financées par l’affectation de recettes pérennes alors que les mesures d’investissement sont financées principalement par le recours à l’emprunt.
Seul un plan audacieux, guidé par la justice sociale et l’exigence écologique, permettra à notre pays de sortir et de se relever de cette crise. Telle est l’ambition que nous portons à travers ce document.

Les 118 propositions : http://bit.ly/GDR_relance

Cause commune n° 20 • novembre/décembre 2020