Par

Depuis 2014 et la loi Hamon sur l’Économie sociale et solidaire, l’État a souhaité intervenir sur les labels utilisés et mis en valeur dans l’agriculture et l’agroalimentaire. Si certains sont bien connus des consommateurs (Label rouge, AOP, IGP, Agriculture biologique), d’autres fleurissent sans nous renseigner précisément sur les exigences demandées. Le label bio équitable en France est né de cette loi en mai 2020 après plusieurs années de gestation.

Comment fonctionne le label Bio Équitable en France ?
Le label est porté par une association indépendante, qui est contrôlée à majorité par des groupements de producteurs et dont est issu le président. Biocoop et Éthiquable souhaitaient voir émerger un label indépendant reconnu par l’État, qui aille plus loin que leur marque distributeur (Ensemble et Paysans d’ici). Il a fallu plusieurs années pour structurer cela, à côté de marques qui cherchent à séduire le consommateur sur le même terrain (C’est qui le patron ?, Les éleveurs vous disent merci, etc.).

« Notre association garantit le respect et le contrôle de critères stricts, à la fois agricoles et environnementaux et sociaux. »

Notre association garantit le respect et le contrôle de critères stricts, à la fois agricoles et environnementaux (AB, interdiction des serres chauffées, taille des fermes limitée) et sociaux (interdiction du travail détaché, égalité femme/homme, rémunération digne des paysans et des salariés, amélioration des conditions de travail…). En parallèle, les producteurs s’engagent sur cinq démarches d’amélioration de leurs pratiques agroécologiques afin d’atteindre des exigences supérieures à celles de l’agriculture biologique (par exemple en s’alignant sur les contraintes des labels Bio Suisse ou Nature et progrès).
Les groupements de producteurs ou entreprises labellisées s’engagent avec un contrat de trois ans, à un prix fixé tenant compte des coûts de production, des coûts liés aux risques ou aux pertes dans certaines productions (fruits, par exemple) et des marges permettant le réinvestissement dans l’outil de travail. Le fait que la plupart des créateurs du label soient des acteurs historiques de l’agriculture biologique leur permet de tenir tête aux distributeurs sur leur prix de vente.

Quel est le but de créer un nouveau label, les labels existants ne suffisaient pas ?
L’alignement des critères de l’agriculture biologique sur des normes européennes a contribué à une baisse des exigences qualitatives et environnementales. De plus, le logo AB ne garantit rien sur les conditions de travail ni sur les effets du transport par exemple, et il ne nous semble pas que l’État français souhaite travailler à davantage d’exigences. Par notre label, nous voulons que le consommateur n’ait plus à choisir entre l’environnement et le social, qu’il s’y retrouve plus facilement. C’est ce que confirme une étude menée par le WWF et Greenpeace, qui compare les différents labels de qualité et leurs atouts et points faibles en France (voir greenpeace.fr).

« Les groupements de producteurs ou entreprises labellisées s’engagent avec un contrat de trois ans, à un prix fixé tenant compte des coûts de production, des coûts liés aux risques ou aux pertes dans certaines productions et des marges permettant le réinvestissement dans l’outil de travail. »

Concernant le commerce équitable, qui est une autre porte d’entrée de notre label, nos producteurs y tiennent beaucoup et déplorent que les consommateurs n’y pensent que d’une manière Nord/Sud. Il n’y a pas que le paysan péruvien ou zambien qui mérite qu’on lui paie du café à un prix juste ; tous les paysans de France ou d’ailleurs doivent être rémunérés à un prix digne. « Cet acte de consommation se popularise néanmoins, les consommateurs faisant de plus en plus attention à l’origine France. Les labels de commerce équitable Origine France permettent ainsi de préserver une définition exigeante et d’éviter les risques de confusion pour les consommateurs. Il y a donc un enjeu à faire connaître ce label.

Concrètement, quelle stratégie vous donnez-vous pour développer et faire connaître votre label ?
Nous avons mené un gros travail d’audit et de contractualisation cette première année, et nous continuons nos démarches de prospection pour labelliser et accueillir de nouveaux groupements de producteurs et d’entreprises. Il y a un engouement, c’est clair, et nous le ressentons grâce à nos démarches de sensibilisation du grand public via les réseaux sociaux, via la quinzaine du commerce équitable ou certains salons sur lesquels nous intervenons et interviendrons.
Notre volonté est d’être présents sur tous les secteurs de marché, et d’être distribués le plus largement possible, y compris dans la grande distribution, car tout le monde a droit à des produits sains, bons et respectueux de ceux qui les produisent. Parallèlement, la Fédération nationale de l’agriculture biologique a également développé un label qui va dans le même sens ; nous discutons avec eux et il est clair que nous pouvons unir nos efforts pour faire connaître le commerce équitable Origine France. Ce qui nous paraît important, c’est faire comprendre qu’il faut des critères rigoureux pour faire garantir un label, et qu’écrire « le juste prix » sur un produit n’est pas suffisant pour en avoir la preuve.

Louise Galipaud est chargée de communication de l’association qui gère le label Bio Équitable en France.

Entretien réalisé par Pierrick Monnet.

Cause commune n° 25 • septembre/octobre 2021