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Le pouvoir des mots, La Dispute, 2016, de Josiane Boutet

Dans cette nouvelle édition du Pouvoir des mots, Josiane Boutet nous invite à nous questionner sur l’usage des mots. Pour ce faire, elle ne choisit pas la démonstration scientifique mais des exemples de pratiques langagières pris dans le quotidien des lecteurs.

Elle tire ses exemples de l’histoire, des média, des tracts militants, des slogans ou bien encore du marketing.
L’ouvrage, composé de dix-sept chapitres, met chaque fois en scène une situation sociale et historique où le pouvoir des mots prend sa place. Cette contextualisation des discours permet au lecteur de mieux comprendre l’action de la langue. L’auteur défend le point de vue selon lequel les combats politiques sont aussi et principalement des combats sur les mots.

Ainsi, nommer n’est jamais anodin. Comment désigner ceux qui arrivent de Syrie et d’Irak lors de l’été
2015 ? Des migrants ? Des demandeurs d’asile ? Des réfugiés ? Quel est l’effet de cette
dénomination ? Nommer, c’est l’acte d’associer à une catégorie, au même titre que nommer un
événement dans un discours politique, c’est donner un point de vue de l’événement ou assumer
une certaine prise de position (un des événements pris en exemple dans l’ouvrage est « la crise
des migrants »). Il est rappelé avec justesse ici que le langage n’a plus comme seule fonction
un transfert d’informations entre deux interlocuteurs, mais également une fonction actionnelle
du langage. Pour Malinowski, le langage a également une fonction pragmatique. Il sert à jouer
un rôle dans le comportement et non plus reproduire l’activité de la pensée.
L’ouvrage comprend une partie judicieuse sur les techniques de l’efficacité verbale. Il est
d’usage en politique comme en marketing de « jouer avec les mots ». Les techniques
manipulatoires du langage sur le plan des sonorités sont dénoncées, comme dans les slogans
publicitaires de la Manif pour tous : « On veut du boulot, pas du mariage homo » ou bien : «
Haribo, c’est beau la vie ». Le choix des mots est à manier avec prudence puisqu’il prête à
condamnation en France lorsqu’il dénote d’une injure raciste, quel que soit son support (procès
d’Anne-Sophie Leclère du FN pour l’insulte à Christiane Taubira ou les discours de Brice
Hortefeux de l’UMP comprenant des mots racistes).
Josiane Boutet nous transporte dans l’univers du langage et du pouvoir magique des mots qui
permettent à l’homme et à la femme d’être acteurs de la société, même malgré eux parfois. Elle
conclut ainsi : « Depuis la structuration de nos inconscients jusqu’aux productions plus
collectives comme des slogans ou des discours politiques, nous sommes façonnés par les
mots. »