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Les luttes féministes se sont égrainées ces dernières années et ont marqué par leur ampleur l’actualité tant au niveau mondial qu'européen. Néanmoins, une grande vigilance est nécessaire afin que le capitalisme prédateur ne reprenne les différentes avancées qui ont été gagnées.

Retrouvez à la fin de l'article de Charlotte Balavoine, 4 billets de différentes actrices du mouvement féministe européen.

Ces luttes massives revêtent plusieurs aspects et formes : contre les violences faites aux femmes avec la chorégraphie El violador eres tu, démarrée au Chili en 2019 ; celle des travailleuses indiennes du secteur agricole en 2021 ou encore la déferlante #MeToo qui continue de faire des émules au niveau mondial. La remise en cause du patriarcat est aujourd’hui largement partagée.
Pour autant, si les aspirations d’une large partie de la population à l’égalité sont manifestes, est-ce que ces luttes sont véritablement vecteur de progrès social pour toutes et tous en Europe ? Si l’Union européenne a fait avancer certaines causes « féministes », c’est avant tout parce que celles-ci s’inscrivent dans le dogme néolibéral. Ainsi, dès 1957, le traité de Rome intègre l’égalité salariale non pas pour des raisons progressistes, mais bien pour éviter une concurrence déloyale dans le cadre du marché. Égalité qui reste par ailleurs sur le papier puisque, aujourd'hui encore, l’écart entre les salaires des femmes et ceux des hommes dans l’UE se maintient autour de 14 %. Il n’est que de 0,7% au Luxembourg, mais atteint 15,8 % en France, 18,3 % en Allemagne, et jusqu’à 22,3 % en Lettonie. En cela, la directive sur la « transparence salariale », adoptée en mars 2023, apporte certes des améliorations sur certains aspects (ceux qui relèvent de l'accès à la justice...). Elle n’améliorera cependant pas substantiellement la situation dans la mesure où les PME en sont exclues et sa retranscription dans la pratique n’aura lieu que dans huit ans.

« Garder la boussole du lien entre féminisme et anticapitalisme permet de ne pas sombrer dans la compromission et de continuer à œuvrer au progrès social et à l’émancipation de la société tout entière. »

Féminisme et lutte de classes
« Le féminisme sans lutte des classes, c’est du développement personnel », peut-on lire sur certaines pancartes dans les manifestations. Et c’est bien là toute la contradiction des enjeux féministes au niveau européen : à qui servent-ils ? L’ampleur du mouvement féministe ces dernières années a imposé le débat de l’égalité dans la société. En soit, c’est déjà une victoire. Encore faut-il défendre « l’égalité » pour toutes les femmes. Le féminisme bourgeois prôné par les libéraux, mais aussi par une partie de la gauche, portera l’idée de l’émancipation individuelle ou d’une minorité. Cela s’exprime en matière de priorité politique par exemple par la directive sur la parité dans les conseils d’administration des entreprises, vu comme une « grande victoire » de la présidence française de l’UE. Cela passe aussi par la négation de tout rapport d’exploitation dans la société, par le fait que finalement la « liberté de disposer de son corps » s’étendrait à sa commercialisation et donc à la défense et à la banalisation de l’exploitation sexuelle comme la prostitution ou de la GPA.

Divisions et contradictions
Mais les divisions et les contradictions existent aussi parmi les tenants du pouvoir. Pour une part, la bourgeoisie « traditionnelle » sera contre l’extension des mécanismes de marché et d’exploitation aux corps des femmes pour des questions morales, alors que pour la bourgeoisie « libérale » il s’agit d’ouvrir et de conquérir de nouveaux marchés « quoi qu’il en coûte ». La question est donc comment se servir de ces contradictions pour éviter que les femmes ne soient utilisées comme une variable d’ajustement d’un système capitaliste à bout de souffle. Le premier rôle des féministes est de lutter contre la régression sociale des droits des femmes jusque dans les institutions.

Convention d’Istanbul
Dans la dernière période, on a pu observer des contradictions au sein même de la bourgeoisie libérale incarnée par Emmanuel Macron. Ainsi, alors que, dans l'UE, une femme sur trois a subi des violences physiques et/ou sexuelles depuis l'âge de 15 ans, et plus de la moitié des femmes ont été harcelées sexuellement, l’UE a enfin ratifié la convention d’Istanbul en juin 2023 et ce, malgré le recul conservateur, voire misogyne, de certains pays. Cette convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique est le premier instrument en Europe à établir des normes contraignantes visant spécifiquement à prévenir les violences fondées sur le sexe et le genre, à protéger les victimes de violences et à sanctionner les auteurs. Attention cependant, car s’il s’agit d’un « texte européen », il ne provient pas des institutions de l’UE puisque le Conseil de l’Europe est une assemblée où siègent les parlementaires nationaux de quarante-six états membres dont les vingt-sept de l’UE. Pendant des années, un certain nombre d’états ont bloqué la mise en œuvre de cette convention en refusant de la ratifier ou en quittant le processus, telles la Pologne en 2020 et la Turquie en 2021. C’est toutefois une victoire !
Le Parlement européen a d’ailleurs demandé à la Commission européenne, en septembre 2021, de modifier les traités pour faire des violences basées sur le sexe ou le genre un crime au sens du droit européen, au même titre que le terrorisme, la traite des êtres humains, la cybercriminalité, l'exploitation sexuelle et le blanchiment d'argent. Là encore, il s’agit d’une avancée symbolique mais réelle. Le deuxième rôle des féministes est donc de mener la bataille idéologique, y compris parfois avec l’appui des forces libérales, afin que la remise en cause des schémas patriarcaux devienne majoritaire dans la société.

Construire le rapport de force
Mais c’est là que le bât blesse : alors que la bourgeoisie libérale, contrairement à la bourgeoisie traditionnelle, est plutôt favorable à intégrer le droit à l’avortement dans les traités ou à ratifier la convention d’Istanbul, dans le même temps elle refuse de donner les moyens matériels à la lutte contre les violences. C’est le cas de la révision en cours de la directive « sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique ». Le gouvernement du président Macron, ayant pourtant fait de l’égalité entre les femmes et les hommes la « grande cause nationale du quinquennat » refuse d’intégrer le « viol » dans cette directive sous prétexte qu’il n’y a pas de « définition commune du viol ». Sur ce sujet comme sur d’autres, le gouvernement français est celui qui bloque le plus d’avancées sociales ou même « sociétales » aujourd’hui à l’échelle de l’UE !
C’est donc bien de la question de la construction du rapport de force qu'il est question ici, comme pour toute avancée politique et sociale, et celui-ci se construit d’abord dans la rue et dans la société avant de pouvoir être imposé jusque dans les institutions. Il en va de même pour les luttes féministes en général : si celles-ci ne sont pas en lien avec les luttes sociales, alors elles ne bénéficieront au mieux qu’à une minorité, au pire elles seront totalement marginalisées. Si des compromis sont parfois nécessaires, garder la boussole du lien entre féminisme et anticapitalisme nous permet de ne pas sombrer dans la compromission et de continuer à œuvrer, par là même, au progrès social et à l’émancipation de la société tout entière.

Charlotte Balavoine est conseillère politique au Parlement européen. Elle est responsable Europe du PCF.

Cause commune n° 38 • mars/avril/mai 2024

 


Pourquoi Zelle ?

par Maartje De Vries

Le mouvement de femmes « Zelle » (anciennement Marianne) est une contraction du pronom personnel néerlandais ze (qui signifie « elles ») et du français elles. « Cela signifie qu’ensemble, on est plus fortes ». Un nom bilingue pour une organisation bilingue qui prône aussi l’unité de la Belgique, parce que les préoccupations des femmes du nord et du sud du pays sont identiques.
Le PTB a fait le choix d'organiser les femmes au sein d’un mouvement, Zelle. Avec Zelle, nous luttons pour les droits des femmes. Pour un monde où l’égalité femmes-hommes soit une réalité. Chez nous, les femmes peuvent se rencontrer, se réunir, organiser des activités conviviales et mener des actions.
Aujourd’hui, on entend souvent dire que l’émancipation des femmes est terminée, que nous avons les mêmes droits que les hommes… mais c’est totalement faux. Les femmes sont par exemple bien plus nombreuses dans les emplois à temps partiel que les hommes, et ce n’est pas bien souvent par choix. Il y a un réel manque de services publics, notamment de crèches. Ce sont à nouveau les femmes qui diminuent leur temps de travail, ce qui va à l'encontre de leur indépendance économique. Le capitalisme n'a pas intérêt à voir disparaître le patriarcat car cela lui permet d'assurer des profits supérieurs. Prenez des secteurs où les femmes sont surreprésentées, comme celui de la vente ou du nettoyage. Ces secteurs sont sous-payés. Le capitalisme a sous la main une catégorie de travailleurs – en l’occurrence, les femmes, qui représentent quand même la moitié de la population – qu’il peut donc surexploiter.
Les femmes ont toujours lutté pour leurs droits et c’est comme ça qu’elles les ont font avancer. Chaque année, Zelle participe aussi à la manifestation contre les violences faites aux femmes. Ces violences sont omniprésentes dans notre société. En 2023, il y a eu au moins vingt-cinq féminicides en Belgique.
Les principales revendications de Zelle sont :
• Un salaire minimum à 17 euros de l’heure (contre 12,5 euros aujourd’hui), afin de renforcer l’indépendance financière des femmes ;

• Des investissements pour des crèches de qualité, abordables ;

• Une approche ambitieuse sur les violences faites aux femmes. Nous demandons que ces violences dont sont victimes les femmes soient une véritable priorité du gouvernement belge. Il faut débloquer des budgets, notamment au sein de la justice et de la police, pour qu’il y ait suffisamment de magistrats formés, que les plaintes puissent être suivies, que les victimes soient correctement accueillies et prises en main au sein de la police…
Au niveau européen, nous demandons que la Belgique donne un carton rouge aux règles d’austérité. Couper au moins 27 milliards d'euros supplémentaires alors que les services publics sont déjà exsangues ne va certainement pas favoriser la lutte contre les violences faites aux femmes. Nous avons besoin au contraire d’investissements pour pouvoir appliquer dans la pratique la convention d’Istanbul ;

• Le droit à l’IVG. Nous pensons que chaque femme a le droit de choisir de devenir mère ou non et qu’il est essentiel de défendre ce droit. Nous demandons l’élargissement du droit à l’avortement avec l’allongement du délai à vingt semaines (douze semaines actuellement en Belgique) et la suppression du délai de réflexion. Plus de cinq cents femmes vont avorter à l’étranger chaque année du fait du délai trop court actuellement.
Enfin, en plus de nos activités locales et conviviales, nous participons à de nombreux événements nationaux, afin de donner une visibilité au mouvement des femmes.
En 2024, Zelle se mobilisera évidemment le 8 mars, avec toutes ces revendications, pour la journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Nous soutenons l’appel à la grève féministe. Car lorsque les femmes s’arrêtent, le monde s’arrête. Des préavis de grève couvrant tous les secteurs de travail sont déposés par les syndicats en Belgique pour le 8 mars. Dans de nombreuses entreprises, des actions sont menées : de sensibilisation à l’égalité femme/homme, des actions symboliques et des arrêts de travail. Les travailleuses et travailleurs participent également à des rassemblements syndicaux et aux manifestations organisées par le monde associatif. Il y a des actions dans les secteurs « féminins » mais aussi dans des entreprises comme l’automobile.
Nous serons aussi présentes à ManiFiesta le festival de la solidarité les 7 et 8 septembre, où nous collaborons à un programme féministe, avec des invitées internationales, des débats sur tout ce qui concerne les luttes des femmes, des activités de bien-être, du sport avec des équipes féminines.

Maartje De Vries est présidente de l’organisation de femmes du Parti du travail de Belgique (PTB).


L’Espagne pionnière des luttes contre les violences à l'égard des femmes

Deux questions à Maria-Eugenia Palop Rodriguez

CC : L’Espagne est souvent décrite comme pionnière dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes, notamment en plaçant la question du consentement au cœur du Code pénal. Quelles sont les leçons de ces luttes pour Sumar (coalition espagnole de gauche impulsée par Yolanda Díaz, membre du Parti communiste d'Espagne) ?

L’Espagne est pionnière dans la lutte contre les violences machistes depuis des décennies. Nous avons une loi sur la violence fondée sur le genre depuis 2004 ; des tribunaux sur la violence à l’égard des femmes ont fait d’énormes progrès ces dernières années. Aujourd’hui, nous renforçons cette loi avec un « pacte d’État » pour remédier à ses carences et insuffisances. Nous n’avons jamais cessé de travailler. La loi sur la liberté sexuelle, qui traite du développement de la convention d’Istanbul, entre autres choses, et la criminalisation du viol en tant qu’absence de consentement, s’enracinent dans la condamnation de « La Manada » (voir encadré) et dans la mobilisation populaire à laquelle elle a donné lieu. Les femmes voulaient qualifier de viol ce qui était un viol et non uniquement un abus. C’est à cette exigence que la loi répond. Il ne s’agissait donc pas d’augmenter les sanctions, mais de qualifier correctement l’acte, d’appeler un chat un chat. Il ne faut pas oublier que la lutte contre les violences machistes exige bien plus que l’utilisation du Code pénal ... Il est nécessaire d’éduquer et de mettre en œuvre une politique préventive et un calendrier social. En tant que Sumar, nous valorisons la loi de la liberté sexuelle comme un pas en avant incontestable et son déploiement est considéré comme essentiel.

CC : Quelles sont les priorités et les perspectives dans ce domaine au niveau européen ?

Dans l’Union européenne, nous avons parcouru un long chemin en matière de lutte contre la violence à l’égard des femmes, même si nous n’avons pas réussi à faire de la violence basée sur le genre un eurocrime, ni à intégrer le viol en tant qu’infraction pénale dans la directive sur la lutte contre les violences contre les femmes. Je crois que ces deux objectifs ne sont toujours pas atteints. Nous attendons également la qualification du droit à l’avortement en tant que droit fondamental, indépendamment du droit à la santé. La réforme des traités devrait tenir compte de cette exigence et, en outre, renforcer le pilier social de l’UE, qui est essentiel pour les femmes.
Sur ce terrain aussi nous avons avancé, mais il reste encore du travail à faire. Le retour au pacte de stabilité pourrait tuer dans l’œuf ces avancées et entraîner une régression totale du droit des femmes. Bien sûr, je pense aussi qu’il est très important que la perspective de genre soit intégrée dans la lutte pour l’environnement. Il ne s’agit pas seulement d’inverser le changement climatique, nous devons changer le modèle de production et les femmes, qui sont de plus en plus victimes de la dégradation de l’environnement, peuvent prendre la tête de ce changement. Enfin, mettre sur pied la stratégie européenne en matière de soins est indispensable pour améliorer la vie des soignants, et changer la relation déséquilibrée qui existe actuellement entre le secteur productif et la reproduction de la vie. Cela pourrait être une véritable révolution.

Maria-Eugenia Palop Rodriguez est députée européenne du groupe « The Left », membre de la commission Femme.

L’affaire du viol de « La Manada », également connue sous le nom d’affaire « de la meute de loups », a commencé avec le viol collectif d’une jeune femme de 18 ans le 7 juillet 2016 lors des célébrations de San Fermín à Pampelune. Cinq hommes, dont un membre de la garde civile et un autre de l’armée espagnole, se sont filmés et ont diffusé sur les réseaux une vidéo où ils agressent et violent à plusieurs reprises la jeune fille dans le vestibule d’un immeuble. Malgré les preuves flagrantes, ils ne sont condamnés jeudi 26 avril 2018 que pour « abus sexuels » et « abus de faiblesse ». Cette condamnation, très inférieure aux réquisitions du parquet, a entraîné des mobilisations énormes dans tout le pays et une révision de la définition du viol en droit espagnol.

 


 Avril est tourné vers l’avenir !

par Sandra Maria de Brito Pereira

La révolution d'avril, qui a commencé le 25 avril 1974, était une vraie révolution pour les femmes portugaises. Pendant les quarante-huit ans de la dictature fasciste (1926-1974), la situation des femmes était caractérisée par l'absence de droits. Elles étaient réduites à une simple position subalterne dans la société.
La révolution d'avril a ouvert les portes aux femmes pour qu'elles obtiennent une place digne dans la société, sur un pied d'égalité avec les hommes, et pour qu'elles gagnent leurs propres droits.
Les profonds changements démocratiques dans les domaines du travail, du droit de la famille, la création d'infrastructures sociales (crèches, garderies, etc.) et d'infrastructures de base (réseaux d'eau et d'assainissement, électricité, etc.), la création, l'expansion et le renforcement des services de santé publique, d'éducation et de sécurité sociale ainsi que l'accès à la culture ont eu un effet immédiat et significatif sur l’amélioration de la vie des femmes portugaises.
Cependant, la réalisation des droits des femmes, inscrits dans la Constitution de la République Portugaise de 1976, n'a pas été entièrement mise en œuvre, à cause des politiques de droite menées par les gouvernements successifs du Parti socialiste (PS), du Parti social-démocrate (PSD) et du Parti populaire (CDS) depuis 1976. Le principe du salaire égal à travail égal, la réconciliation de la vie personnelle, familiale et professionnelle, le droit à la santé, spécifiquement les droits sexuels et reproductifs, sont, entre autres, des droits importants.
Dans une situation où les problèmes et la régression sociale, particulièrement ressentis par les femmes, s'accentuent de grands intérêts économiques et financiers promeuvent des idées réactionnaires, y compris à travers les médias. Ces projets antidémocratiques cherchent à canaliser le mécontentement résultant de politiques de droite, afin d'assurer leur continuation et leur aggravation. Faussement présentées comme antisystème, ces forces représentent le pire. Le combat contre l'extrême peut seulement être menée à bien en rompant avec les politiques de droite, dans chaque pays et dans l'Union européenne, et en mettant en œuvre une vraie politique alternative qui garantisse les droits et puisse répondre aux aspirations légitimes des travailleurs, du peuple et, par conséquent, des femmes.
C'est en se basant sur les valeurs de la révolution d'avril que nous intervenons pour les droits des femmes, en mettant: la centralité du travail avec des droits, en valorisant les salaires et en luttant contre la précarité, en reconnaissant les droits des travailleuses tels que le congé maternité ou d'allaitement ; en renforçant les services publics qui ont un effet significatif sur la réalisation des droits des femmes, en luttant contre toutes les formes de violence contre les femmes, en investissant dans leur prévention.

Sandra Maria de Brito Pereira est membre du Parti communiste portugais (PCP). Elle siège au Parlement européen depuis 2019.


Une politique de gauche est féministe !

par Heidi Ambrosch

La pandémie de covid-19 l'a montré une fois de plus : en Autriche, les femmes ont fourni 60 % du travail de soin (Fûrsorge), non rémunéré, ce qui représente une valeur de 108 milliards d'euros (27 % de la création de valeur totale). En ce qui concerne le travail rémunéré, l’Autriche est l’un des deux pays (avec l’Estonie) où l’écart salarial entre hommes et femmes est le plus important. Le travail du soin, en tant que travail domestique, reste précaire, privé et féminin, et l'un des piliers du capitalisme. Le changement de système et la politique féministe sont donc étroitement imbriqués.
Les guerres et l’exil, l'inflation et les difficultés à boucler les fins de mois, le surmenage et le burn-out affectent en premier lieu et particulièrement les femmes. Nous, l’assemblée des femmes du Parti communiste autrichien (KPÖ), prônons une redistribution du temps, de l’argent et du travail, afin que l’accent soit mis sur les besoins des personnes et non sur les profits.
La revendication centrale de toutes les campagnes électorales est : ce dont tout le monde a besoin doit être accessible à tous et toutes ; cela s’applique avant tout au logement, à l’énergie, à l’alimentation et aux transports publics, tous ces domaines doivent être financés par des impôts sur la fortune et les successions.

À toutes les occasions, nous mettons en avant ces propositions :
• Le droit à des places gratuites dans les structures d'accueil pour enfants et leur développement sur l'ensemble du territoire, la mise en place de collèges et lycées uniques accueillant tous les enfants toute la journée. La sélection scolaire s’opère après l’école primaire (Volksschule), à partir de 10 ans. Environ 37 % des élèves intègrent l’école d’enseignement général (Allgemeinbildende höhere Schule : AHS), pour une durée de huit ans, les deux tiers restants se dirigeant vers la Mittelschule (à destination des écoles professionnelles ou lycées techniques).

• La dépénalisation de l'interruption de grossesse (en Autriche, l’interruption volontaire de grossesse ne garantit l'impunité pénale que pendant les trois premiers mois), sa prise en charge par les caisses d'assurance maladie et le développement de la prévention contre les violences faites aux femmes. Selon la loi autrichienne de 1975, l’avortement n’est pas dépénalisé. Les hôpitaux publics et les cliniques privées qui pratiquent les avortements sont concentrés dans l’est du pays. À l’ouest, seuls quelques cabinets médicaux privés pratiquent des avortements, à des coûts très élevés. Le nombre d’avortements pratiqués est estimé à trente mille chaque année.

• Le droit à la participation à la vie politique pour toutes celles et tous ceux qui vivent en Autriche depuis plus d'un an et la naturalisation des enfants nés sur le sol autrichien.

Heidi Ambrosch est porte-parole des femmes du KPÖ.

Cause commune n° 38 • mars/avril/mai 2024