Par

A. — Salut, toi ! Tu as vu ? Cause commune est sortie !

B. — Qu’est-ce que c’est ?

A. — C’est la nouvelle revue d’action politique du Parti communiste français.

B. — Une revue : pour quoi faire ?

A. — Pour penser, camarade ! Pour aller au-delà du masque des apparences, pour prendre le temps de comprendre, de confronter.

B. — Ouh ! Ce n’est pas pour moi, ça…

A. — Et comment que c’est pour toi ! Rappelle-toi Brecht : « Apprends ce qui est le plus simple / Il n’est jamais trop tard / Pour ceux dont le temps est venu ! / Apprends l’ABC, cela ne suffit pas, pourtant / Apprends-le ! Ne te laisse pas rebuter / Commence ! Tu dois tout connaître. / Car tu dois diriger le monde. / Apprends, homme à l’hospice ! / Apprends, homme en prison ! / Apprends, femme en ta cuisine ! / Apprends, femme de soixante ans ! / Car tu dois diriger le monde. »

B. — Tu sais, moi, les poètes…

A. — Nous vivons une époque complexe : on est saturés d’informations mais le vrai et le faux y font un étrange mélange. Sans compter ce dont on ne parle jamais. Ou ce dont on parle tout le temps et qu’on présente comme sûr, alors que ça ne l’est guère. Bref, une revue, ça permet d’abord ça : essayer de démêler tous ces fils, mieux identifier les arêtes des débats, les positions en présence… C’est ce à quoi servent les dossiers mais aussi pas mal de rubriques. Et puis Cause commune, c’est une revue d’action politique. C’est le sous-titre !

B. — Je ne vois pas trop où est l’action pour l’instant…

A. — Elle est pourtant bien là ! Penser, penser, oui : pour la beauté – on a le droit à la beauté aussi, oui ou non ? – mais pour agir, surtout ! Mieux penser pour mieux agir, si tu veux. Et puis il y a des rubriques très concrètes.

B. — Comme ?

A. — La rubrique Militer qui te donne les clés pour monter une initiative. Dans ce numéro, tu as six pages qui te permettent de mener la bataille localement contre la fermeture des bureaux de poste. Pour résister et pour gagner.

B. — C’est intéressant. Mais on est confrontés à des problèmes tellement plus gigantesques.

A. — C’est vrai et la revue tient aussi ces bouts-là, je t’en ai parlé. Mais pour lutter, il faut espérer vaincre et cet espoir, il ne tombe pas du ciel : il grandit sur le terreau des expériences concrètes de victoire. C’est un peu ce que disait Pierre Laurent dans son rapport au CN de juin quand il appelait une organisation « centrée sur sa capacité à animer jusqu’à des victoires partielles et globales des fronts de lutte et de conquête ».

B. — Ça commence à me parler, ton affaire. D’autant que, quand j’y pense, je trouve ça aussi très utile sur un autre plan.

A. — Ah oui ?

B. — Tu vois, on a tous des réflexions dans notre coin. On en parle des fois en cellule ou en section mais l’intérêt d’être un parti, c’est justement de coordonner tout ça intensément, durablement, profondément. La revue, ça sert aussi à ça. Les positions collectivement élaborées du Parti communiste y sont exposées : tu as toujours le papier d’un responsable national au début du dossier. Et puis tu as Le grand entretien, la rubrique Résolutions communistes qui condense les décisions du Conseil national. La rubrique du collectif Idées aussi. La rubrique Silo, de la Fondation Gabriel-Péri. Bref, tu as un peu tout ce qui se dit, se cherche, se décide au PCF rassemblé dans une revue et pas seulement dispersé un peu partout. Pour la vie démocratique communiste, ce n’est pas inutile : tu sais ce qui se passe, tu peux le faire savoir mais tu peux aussi le contester pour faire bouger tout ça. Au moins, tu pars d’informations fiables plutôt que de racontars inégalement valables. Mais c’est gratuit au moins ?

A. — Oui et non. C’est gratuit, en ligne. Mais ça présente un coût donc moi, je vais m’abonner à la version papier. C’est une manière pour moi de soutenir cette initiative du parti et de permettre qu’elle se poursuive.

B. — Faut dire que, pour lire quatre-vingts pages, c’est quand même plus agréable et puis tu peux annoter, ranger, ressortir quand tu en as besoin…

A. — Pas faux ! Et pas pour sombrer dans « le cimetière des bibliothèques » dont parle le poète Jean Ristat !

B. — Et puis, Cause commune : le titre me parle bien. Alors que le capitalisme saccage nos vies et notre planète, alors que la volonté de profit…

A. — Pas seulement les profits : carrément, le taux de profit !

B. — … est tellement la seule boussole pour ces 1 % qui se gavent et dirigent notre planète, ils passent leur temps à nous diviser, à masquer notre profond intérêt convergent de classe, à nous qui produisons pourtant les richesses.

A. — Oui, on pointe du doigt les « assistés », les jeunes, les étrangers, les musulmans, les femmes, les juifs, les gays… La conscience de classe en prend un coup et on finit par se regarder avec méfiance. Quand je pense à tous ces salariés qui ont voté Le Pen – près de 8 millions.

B. — Et Macron ! Ils sont bien parvenus à masquer notre cause commune de classe, quoi.

A. — Intérêt de classe que tu peux même étendre aux 99 % quand tu vois ce que sont les autoentrepreneurs façon Uber, voire ces petits patrons sous-traitants, en fait dans la main des 1 %, comme toi et moi.

B. — Oui. Sans doute : tiens, ça ferait un beau numéro !

A. — Je crois bien que le dossier de lancement est un peu là-dessus, tu vois. Même s’il y a aussi la question spécifique des couches populaires au sein même de la classe salariée, voire au-delà. Je crois qu’ils n’en parlent pas, là. Mais on va en parler au congrès.

B. — En tout cas, moi qui suis communiste jusqu’au bout des ongles, et chaque jour un peu plus, crois-moi, quand je vois tout ce qu’on pourrait faire et tout ce qu’au lieu de ça, on fait de nous… Eh bien, moi, ton affaire, ça me fait penser à une dédicace d’Engels. Eh oui, y a pas que toi qui lis autre chose que le programme télé… Un texte que j’aime beaucoup, de 1845 je crois, qui ouvre ce bouquin qu’il écrit à 24 ans : La Situation de la classe laborieuse en Angleterre.

A. — Oui, publié aux Éditions sociales en 1961 avec la traduction de Gilbert Badia et Jean Frédéric et une superbe préface de l’historien Eric Hobsbawm !

B. — Sans doute. Enfin, Engels dédie son livre aux travailleurs britanniques et il termine comme ça : « Aucun ouvrier en Angleterre – en France non plus, soit dit en passant – ne m’a jamais traité en étranger. J’ai eu le plus grand plaisir à vous voir exempts de cette funeste malédiction qu’est l’étroitesse nationale et la suffisance nationale et qui n’est rien d’autre en fin de compte qu’un égoïsme à grande échelle […] ; j’ai constaté que vous êtes des hommes, membres de la grande famille internationale de l’humanité, qui avez reconnu que vos intérêts et ceux de tout le genre humain sont identiques ; et c’est à ce titre de membres de la famille “une et indivisible” que constitue l’humanité, à ce titre “d’êtres humains” au sens le plus plein du terme, que je salue – moi et bien d’autres sur le continent – vos progrès dans tous les domaines et que nous vous souhaitons un succès rapide. En avant donc sur la voie où vous vous êtes engagés ! Bien des épreuves vous attendent encore ; soyez fermes, ne vous laissez pas décourager, votre succès est certain et chaque pas en avant, sur cette voie qu’il vous faut parcourir, servira notre cause commune, la cause de l’humanité ! »