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Souveraine, démocratique, unie », voici le triptyque que le président de la République a martelé durant son discours fleuve prononcé à la Sorbonne le 26 septembre dernier.

«Souveraine, démocratique, unie », voici le triptyque que le président de la République a martelé durant son discours fleuve prononcé à la Sorbonne le 26 septembre dernier. Il serait bien trop ambitieux d’aborder dans cette courte chronique le large spectre de mesures envisagées par lui dans une adresse où il tente d’apparaître comme le nouveau capitaine du navire Europe, multipliant, à cet égard, les références aux, ainsi baptisés, « pères fondateurs » de l’édifice européen. S’il aborde de nombreuses thématiques cruciales, versant parfois dans des réponses et propositions floues comme pour la PAC, quelles sont les grandes lignes de fond qui fondent sa doctrine européenne ?

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Le premier axe fort du président Macron réside dans la perspective d’un renforcement de l’Europe de la défense, remis au cœur de l’actualité, il y a un an, au sommet de Bratislava des chefs d’État européens. Le constat est simple : face à l’explosion des guerres et des tensions, à la volonté de certains États membres comme la France de conserver leurs zones d’influence et de domination, une mutualisation des moyens militaires est nécessaire. La réflexion est ancienne, le lien indéfectible de ce projet à l’OTAN est réaffirmé, mais un nouveau cap est franchi : la mise en place de bataillons européens d’intervention. De vagues références à l’aide au développement ne sauraient cacher un enfoncement dans des logiques bellicistes et impérialistes à l’opposé de la recherche de mécanismes paneuropéens assurant la paix et la coopération, possibles et discutés pourtant dès 1954 à l’initiative de Molotov, puis à Helsinki, et encore plus récemment en 2008 à l’initiative du président Medvedev.
Face aux problématiques économiques et sociales qui agitent le continent, le chemin tracé par Emmanuel Macron est celui d’un approfondissement du modèle ordo-libéral qui préside aux destinées de l’Union européenne depuis 1958. Ici encore, l’emphase d’un discours n’occulte pas le caractère peu novateur des propositions avancées. L’idée est simple : perpétuer le marché unique, favoriser les réglementations à l’échelle européenne encadrant les activités économiques, développer la pression concurrentielle pour favoriser la compétitivité… Mysticisme ? Aveu d’impuissance ? Le président qui se veut philosophe fait ici preuve de rhétorique sophistique. À titre d’exemple, ces recettes peuvent être déjà retrouvées mot pour mot dans le rapport Delors de 1990 devant préparer Maastricht. Là encore la racine même d’une Union européenne faite d’abord et avant tout pour assurer le développement des grands groupes capitalistiques à l’échelle européenne se révèle.
Ce n’est pas l’instauration d’une Europe à plusieurs vitesses, préconisée dans le discours de la Sorbonne, qui répondra aux enjeux économiques essentiels à près de cinq cents millions d’Européens. Là encore le chef de l’État fait passer une possibilité institutionnelle présente depuis le traité de Rome, les coopérations renforcées, pour une idée moderne. Ce n’est pas non plus au travers de recettes fédéralistes, comme des élections paneuropéennes, que nous répondrons au seul réel déficit structurel de l’Union, le déficit démocratique.
Emmanuel Macron déclare, à raison, que ses prédécesseurs avaient fait « avancer l’Europe malgré les peuples » ; pourtant les mesures qu’il promeut, les mots dont il se pare apparaissent in fine dépassés et éculés. Ce discours démontre l’impossibilité de refonder l’Union européenne en suivant les recettes ayant conduit à son fonctionnement actuel, sans rompre avec les logiques économiques et politiques qui la sous-tendent. Il démontre en même temps la justesse de notre combat.

Alexis Coskun est doctorant en droit de l’Union européenne.