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Monsieur désire, Glénat, 2016, de Hubert et Virginie Augustin

Quand un aristocrate londonien débauché rencontre une de ses domestiques timide, cela donne un récit tout en nuances, en critiques et en douceur, ciselé par Hubert et Virginie Augustin.

En Angleterre, sous le règne de la reine Victoria, Edouard est un très riche aristocrate célibataire, qui, face à l’ennui imposé par son rang et face au cynisme d’un monde qui tend à disparaître, se noie dans les excès de boissons, de jeux et de femmes. Rien ne lui plaît plus que de provoquer la bonne société en racontant ses frasques, alors qu’il est intouchable, puisque cousin de la reine.

Face à ce personnage arrogant et perdu, les auteurs placent Lisbeth, jeune domestique effacée mais peu impressionnable, qui de nouvelle arrivante dans le personnel de maison devient rapidement chargée d’accueillir ou plutôt de recueillir Edouard après ses soirées d’excès. Le jeune noble, surpris par sa compassion et son inaccessibilité, en fait alors sa confidente car elle lui paraît d’une pureté propre à effacer ses péchés. La hiérarchie sociale est alors déstabilisée, faisant petit à petit de Lisbeth l’égale d’Edouard, tandis que se met en place une rivalité entre les autres domestiques et elle.


Hubert s’est fait une spécialité de raconter des histoires de personnages au caractère complexe, qui évoluent au cours de la lecture, comme dans Miss pas touche ou Beauté. Ces personnages ici se dévoilent par touches, au gré de ses dialogues joliment écrits et des dessins au trait fin de Virginie Augustin qui travaille particulièrement bien leurs expressions.
L’intérêt de cette bande dessinée réside donc à la fois dans l’histoire de cette relation ambiguë qui se noue entre le maître et la domestique mais aussi dans la reconstitution historique de la période victorienne, si souvent utilisée en toile de fond. Les relations hiérarchiques, qu’elles concernent les hommes et les femmes ou la noblesse et la domesticité, sont décrites très précisément laissant à comprendre les jeux de pouvoirs des différentes composantes de la société : Lisbeth est rapidement contestée par la gouvernante de la maison, qui ne supporte pas le rôle qu’Edouard lui attribue qu’elle ne peut contrôler. La ville de Londres et le contexte de l’histoire sont rendus très précisément via les dessins très soignés et documentés des décors.

L’intérêt historique des auteurs est manifeste, il se traduit notamment par un dossier d’une quinzaine de pages sur la période victorienne, traitant les questions du libertinage, la condition des femmes, des bas quartiers, de la misère et de la pauvreté, des problèmes d’hygiène ou encore de la vie politique et quotidienne.